Dans le cadre des activités de la faculté de droit de l’université Babes Bolay de Cluj-Napoca en Roumanie, le professeur Youssef El Bouhairi a présenté le mardi 20 mars 2018 aux étudiants du master francophone de droit pénal, un cours magistral sur la dialectique du droit et de la pratique dans le champ d’application de la Cour pénale internationale. Le conférencier Youssef El Bouhairi a précisé que, jusqu’à ce jour, 123 Etats ont ratifié le Statut de la Cour Pénale Internationale, dont une majorité de pays africains et l'ensemble des pays de l'Union européenne. Cependant des grandes puissances telles que les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou l’Inde ne l’ont pas encore ratifié.
La Cour Pénale Internationale, régie par le Statut de Rome, est compétente de juger uniquement les personnes physiques, qui sont considérées comme auteurs des crimes internationaux: le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et l’agression.
L’Assemblée des Etats Parties a décidé lors de la 3e séance plénière du 9 septembre 2002 de créer un groupe de travail spécial sur le crime d’agression. En 2010, lors de la conférence de Kampala (Ouganda) visant à réformer le Statut de Rome, les États parties ont abouti à se mettre d’accord sur la définition de l’agression et considérer l'agression en tant que quatrième crime international, en vertu du nouvel article 8bis du Statut de Rome.
Dans ce sens, l’article 8 bis du Statut de Rome définit le crime d’agression: « Aux fins du présent Statut, on entend par «crime d’agression» l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies. Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d’agression au regard de la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1974 ».
Il faut signaler que la première enquête de la Cour Pénale Internationale portait sur la situation en République Démocratique du Congo. En effet, le 23 septembre 2003, le Procureur Luis Moreno Ocampo, avait annoncé que la situation en Ituri à l’est du Congo, constitue une priorité pour son bureau. Le 3 mars 2004, le Président Joseph Kabila saisissait la Cour pour enquêter sur la situation humanitaire au Congo. Par la suite le Procureur Luis Moreno Ocampo a ouvert le 23 juin 2004 une enquête en vertu de l’article 53 du Statut de Rome, selon lequel il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête.
Jusqu’à ce jour, la Cour pénale internationale a enquêté sur les crimes internationaux commis dans la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, l'Ouganda, le Soudan, le Kenya, la Libye et la Côte d'Ivoire. La Cour a poursuivi 29 personnes, dont des chefs d’Etats tels que Mouammar Kadhafi avant sa mort, le Président ivoirien Laurent Gbagbo, son conseiller militaire Charles Blé Goudé en 2011 et du Président du Kenya Uhuruu Kenyata et son adjoint Wiliam Ruto en 2014. Aussi, plusieurs hauts responsables militaires sont poursuivis par la cour tels que, les chefs du parti rebelle ougandais Joseph Kony, Vincent Otti et Dominic Ongwen en 2005 et les responsables congolais Thomas Lubanga, Bosko Ntagande et Sylvestre Mudacumura en 2012.
Et récemment, la Cour a condamné le vice Président de l’Afrique Centrale Jean-Pierre Bemba en juin 2016 d’une peine de 18 ans pour avoir commis des crimes contre l’humanité.
Pour conclure, Youssef El Bouhairi a souligné que lors du Sommet extraordinaire de l’Union africaine le 12 octobre 2013, les chefs des Etats africains ont menacé de se retirer collectivement de l’Assemblée des Etats Parties de la Cour Pénale Internationale et lancé un appel en vue de l’ajournement des poursuites en cours contre les dirigeants africains en exercice. Les pays africains membres de la Cour Pénale Internationale ont accusé la Cour de sélectivité, et de ne cibler que les pays et chefs d’État africains. De ce fait, les pays africains ont décidé de réexaminer leur adhésion au Statut de Rome, parce que la Cour est devenue « un instrument biaisé au service d’une hégémonie postcoloniale ». Cependant, de nombreux pays africains qui ont ratifié le Statut de Rome ont témoigné une déception envers la Cour Pénale Internationale qui constitue pour les pays du Nord comme un Texte révélé par les sociétés développées aux pays africains et en voie de développement, afin de combler leur retard en droits de l’homme et se convertir à la justice.